Pourquoi ce site ?   English version

Je ne sais pas.
Je ne sais pas qui ça intéressera. Je ne sais pas si ça valait le coup de passer des mois sur les traductions et sur la conception de ce site. Je ne sais pas si je l’ai fait pour la communauté de fans francophones comme je le claironne, ou si je ne l’ai pas tout simplement fait pour moi.
Pour comprendre, il vous faudrait essayer d’imaginer ce que ça peut représenter d’être accompagné par un groupe de musique, pendant 28 ans. Il faut que j’explique que depuis bien longtemps, je crois que ça n’a plus rien à voir avec la musique. Il faut que je raconte.

La découverte

1993. J’ai 17 ans et je ne sais pas ce qu’est le punk-rock. Je n’en écoute pas et personne autour de moi ne m’en a fait découvrir. Dans la banlieue valentinoise, à cette époque-là, on fait avec ce qu’on a.
Des amis m’initient cependant au Metal. Du heavy au death en passant par le trash metal. Mon groupe préféré pendant longtemps, c’était Suicidal Tendencies. Pendant les cours au lycée, je me gravais le sigle ST sur le dos de la main au cutter. Avec la croute, ça faisait un tatouage. Voilà le rebelle !

En vadrouille à la Fnac de Valence, à la recherche de nouveaux groupes à découvrir, je tombe sur une compilation estampillée Fnac Music nommée Crossover. La première chanson est un titre de Suicidal Tendencies, je me dis donc que le reste sera dans la même veine, je prends.
Je rentre chez moi pour écouter. Ah non, pas si vite, il faut que j’explique autre chose. A cette époque-là, pas de télé le soir, mon truc c’est d’écouter des CD au casque dans ma chambre, allongé dans mon lit, dans le noir, juste avant de dormir. Ce soir-là donc, je lance le CD.

Les chansons défilent : Soundgarden, Alice in chains, Burning Heads, Rollins Band, Biohazard…puis vient la dernière chanson. C’est Generator de Bad Religion. « Like a rock, like a planet, like a fucking atom bomb… » Et là, il se passe quelque chose. Je vous prie de croire que je n’écris pas ça pour le style ni pour sacraliser ce moment plus qu’il ne le faudrait. Quelque chose me percute musicalement. C’est du punk-rock (je n’en savais rien et en y repensant qu’est-ce que ça foutait sur ce CD ?) et ça me parle, ou plutôt, ça me hurle dessus.
De mémoire, mon premier réflexe fut de rallumer la lumière pour savoir qui chantait puisqu’à ce moment-là, je ne sais pas bien où j’en suis dans l’écoute du CD. Ensuite, j’éprouve le besoin de me redresser dans mon lit, puis j’appuie sur le bouton « Repeat ». Une fois, deux fois…je ne me souviens plus, peut-être 8 ou 10 fois. Pour expliquer, c’est un peu comme si chaque riff de guitare, chaque coup de batterie, la moindre intonation dans la voix de Greg Graffin, avaient été mitonnés pour moi. Juste pour moi.

Ensuite et bien, nous sommes en 1993, donc non, je ne prends pas mon smartphone pour connaitre la biographie et la discographie complète de Bad Religion. Je vais au lycée le lendemain matin, j’en parle à mes potes. L’un d’eux me conseille d’aller en parler à machin-là-qui-fait-du-skate. Machin (Fabien C. si par le plus grand des hasards tu lis ces lignes…Merci) me ramène une cassette le lendemain avec les albums Generator et Against the Grain (pas en entier, ça rentrait pas sur une cassette de deux fois 30 minutes) puis, devant mon insistance, No Control et Suffer. Et voilà, c’était parti.
Mais c’était parti doucement car il me fut impossible de me procurer plus d’albums avant longtemps. A la Fnac, pas de trace d’albums de Bad Religion et pas d’Amazon pour en commander. Il m’a fallu attendre de démarrer mes études à Grenoble pour tout découvrir, et encore, en faisant importer les CD tant désirés.
Voilà, je pourrais raconter le reste : les concerts en France, en Italie, à New-York (là, c’est clairement pour me la péter), la BRML (Bad Religion Mailing List), mon tatouage, la chance que j’ai eu de serrer la main ou de discuter avec plusieurs membres du groupe mais je vais arrêter là avec mes souvenirs de quarantenaire.

Une vaine tentative de monter sur scène au Bataclan, Paris 2010.

Les traductions

Comme je l’écrivais plus haut, les intonations de voix de Graffin me touchent (c’est d’ailleurs très intéressant d’écouter les changements dans sa voix de 1980 à 2020). Il me fallait donc absolument comprendre ce qu’il hurlait dans mes oreilles.
J’avais déjà fait ce méticuleux travail au milieu des années 90 avec mon dictionnaire Robert & Collins.
Traduire Bad Religion. Entêtante, difficile et périlleuse mission tant les textes de Graffin et de Gurewitz sont complexes, parfois tordus. Moultes références littéraires, bibliques, biologiques (Graffin possède une maîtrise en géologie et un doctorat en paléontologie)…un calvaire à 25 ans.
Vingt ans plus tard, il y a 6 albums de plus à traduire. Mais depuis longtemps j’avais en tête de recommencer ce travail, en parfaite conscience du temps que ça allait me prendre. Les outils en ligne aidant, j’espère m’en être mieux sorti. Même si je sais pertinemment que bon nombre de traductions seraient à revoir. J’ai d’ailleurs envie de changer un mot à chaque fois que je relis un texte…
Mais voilà, 276 chansons plus tard, c’est fait. Je suis fier (permettez-moi) et très heureux.

« Vous pensez peut-être qu’il ne peut pas y avoir de sagesse dans une putain de chanson punk rock »

Le site

La question était alors de savoir ce que j’allais faire de tout ça. Je me dis que ça peut intéresser un peu de monde. Je viens de me familiariser avec la puissance de Divi pour WordPress, c’est donc reparti pour un site internet.
Le sous-titrage des vidéos était également une idée qui me trottait dans la tête depuis des années. Quoi de mieux pour percevoir la force de ces paroles que d’y adjoindre la voix de Greg Graffin

J’avais déjà fait un site avec mes traductions au début des années 2000 (il existe encore ! http://badreligion.free.fr/index2.html), puis une refonte en 2004 (disparue faute de paiement). L’idée à l’époque était de regrouper une communauté de fans francophones. Ça avait bien marché, il y avait plus de 200 membres français, québécois, belges, suisses et un forum à administrer. Puis j’ai abandonné par manque de temps.

20 ans plus tard, l’aspect communautaire m’intéresse moins. Les réseaux sociaux sont là pour ça. Il n’empêche qu’après une grosse centaine d’heures de traduction et de conception web, le plaisir de partager ce site est le même. Il y a une page « Contact », tous les retours sont les bienvenus.

 

Pour finir…

D’expérience, j’ai souvent entendu des gens dire qu’ils avaient écouté Bad Religion pendant leur adolescence mais que bon, ça leur avait passé. Pour moi, ça ne passera pas. Mettez donc ça sur le compte d’un manque de maturité. 
Bad Religion m’accompagne au quotidien, tout le temps. J’ai toujours une chanson en tête, sur mon vélo, au boulot ou en allant me coucher. Ça ne passera pas et c’est très bien comme ça. 
Les membres du groupe ne sont plus tout jeunes et je sais qu’un jour (mais dans longtemps !) il n’y aura plus de nouvel album à découvrir. Je jonglerai alors avec la vingtaine d’albums et les 300 chansons.
De toute façon, comme je l’expliquais plus haut, je crois que, depuis longtemps, il n’est plus seulement question de musique. J’ai trouvé des réponses dans leurs textes, des idées, une façon de penser, une humanité. Bad Religion m’a construit.

Julien